Caboche, portefaix d’Orléans, Médaillé d’Honneur en 1847
Au fil d’une déambulation dans nos quartiers orléanais, apparait la plaque d’une rue « Alexandre Caboche ». Cette proximité de nom avec le CabochéR pique ma curiosité et la vie d’Alexandre-Joseph Caboche s’affiche sous nos yeux.
« …Je continuais de m’évader de mon triste sort en partant souvent sur la rivière, conservant cette habilité à manier la grande perche ainsi qu’à connaître les flots que j’avais découverts dans ma jeunesse. C’était sans doute aussi l’occasion d’évacuer les images terribles de la guerre qui me hantèrent toute ma vie. Je pris épouse et vivais chichement d’un labeur de forçat bien mal rémunéré. Le labeur ne manquait pas tandis que le nouveau quai du Châtelet allait bientôt offrir des conditions de déchargement plus aisées à partir de 1830.
Ma vie se serait écoulée ainsi sans nouveaux coups d’éclats si la Loire ne s’était pas mise en colère en 1846. Je m’en souviens encore comme si c’était hier. Je peux vous assurer, vous qui ne l’avez jamais connu ainsi, qu’elle est capable de devenir terrifiante notre belle et douce rivière, crachant un flot furieux, envahissant tout en grondant comme une bête féroce. Vous ne vous seriez jamais aventurés à construire vos demeures dans le val inondable si vous aviez été comme moi, témoin des dévastations dont elle est capable.
Nous étions fin octobre 1846. Il n’avait cessé de pleuvoir, un vent mauvais soufflait sur notre Val tandis que de la Loire d’en haut venaient aussi des nouvelles inquiétantes. Les Cévennes étaient elles aussi sous le déluge du ciel, une conjonction qui n’annonçait rien de bon comme en 1825, alors que je rentrais tout juste de l’armée.
Je n’ai nulle envie de vous narrer par le détail l’enfer que furent ces quelques jours de cahot. Si dans la ville les bas quartiers étaient sous les flots, la situation était bien plus dramatique dans le Val où durant de longues journées, des habitations étaient totalement encerclées par une Loire en colère. Beaucoup de malheureux n’avaient eu de recours que de se réfugier sur le toit tandis que d’autres n’avaient pu échapper à la mort.
Pendant de longues heures, je n’eus de cesse que de parcourir la campagne inondée pour aller secourir des gens à bord d’une embarcation bien fragile dans le tumulte d’une Loire en furie. Maintes fois j’ai manqué moi aussi de tomber à l’eau tandis que je luttais contre un courant d’une force colossale.
En compagnie de deux camarades, je vins secourir tous ceux que je pouvais, ne comptant ni ma fatigue ni mes efforts et surmontant la peur et le froid. J’agis comme beaucoup d’autres, mariniers ou portefaix comme moi et qui avions le bonheur de pouvoir disposer d’un bateau encore en état de naviguer. Il fallait également connaître parfaitement les mouvements des eaux pour parvenir à nous diriger sur ce qui était désormais une immense étendue d’eau.
L’année suivante, mes mérites me valurent de recevoir, à la demande d’une population orléanaise particulièrement reconnaissante une distinction qui me plaçait au-dessus de mon humble condition de portefaix. On me fit donc Chevalier de la légion d’honneur, un honneur qui rejaillit sur tous mes collègues qui agirent de la sorte.
Ce qui m’honora le plus ce fut l’offrande que me fit Mademoiselle Schmitt, une artiste peintre que j’avais sauvée des flots. Elle réalisa mon portrait en guise de remerciement tandis que je posais fièrement pour elle avec sur le poitrail ma belle médaille. J’eus également l’honneur de la presse dans laquelle on vanta mes mérites en décrivant ma bravoure durant la grande inondation. J’avais alors 48 ans et j’étais dans la force de l’âge.
En 1856, je me portais à nouveau au secours des naufragés tandis que je n’étais plus de ce monde en 1866 pour faire de même. J’avais rendu mon dernier soupir deux ans plus tôt et pouvais m’embarquer avec le passeur pour un territoire sans guerre ni inondation au terme d’une existence humble certes mais menée avec dignité et courage.
Je me sentais un peu oublié dans ce musée Cabu quelque peu ignoré des touristes et des orléanais eux-mêmes. Il a fallu qu’un raconteur d’histoires de Loire passe me rendre visite pour que je lui confie ceci.
J’aimerais que mon portrait soit de sortie pour avoir le droit également de participer au prochain Festival de Loire en 2023. J’estime y avoir ma place même si les organisateurs ne me semblent guère férus d’histoire ligérienne. Il est vrai que ceci n’a rien de spectaculaire pour attirer les foules.
À contre-courant. » signé C’est Nabum
Vous imaginez notre joie de porter un nom proche de celui de ce héros ligérien !!
« … Nous donnons dans ce numéro le portrait de ce brave citoyen, de ce portefaix d’Orléans, auquel le gouvernement vient d’envoyer la croix de la Légion d’Honneur, que la reconnaissance, l’admiration de sa ville entière lui avaient en quelque sorte déjà décernée. Détournons nos yeux et notre pensée des scènes de l’Indre, pour les reposer sur les traits et sur l’héroïsme de Caboche. Son exemple, l’entrain de son courage, ont excité d’utiles et de beaux dévouements autour de lui. Pourquoi faut-il que, dans la liste de ces récompenses vraiment nationales, la mort ait causé un vide affreux ? Avec Caboche, aux dires de tous leurs concitoyens, l’homme qui a partagé la palme du dévouement, c’est le marinier Bigot, qui, après avoir heureusement disputé tant de victimes à la mort, a vu son batelet chavirer dans la rue Dauphine et s’est englouti dans l’abime auquel il avait su arraché les autres. La vie d’Orléans a adopté la veuve et les enfants de Bigot, et elle est heureuse de voir le signe de l’honneur sur la poitrine de Caboche. Nous devons la reproduction des traits de ce digne homme à un artiste distingué, M. Pensée, son compatriote… »
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